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Vol d'hiver
Pour une fois, la perturbation est à l'heure des météos.
Sud le samedi, pluie la nuit. Au matin, ciel bleu et brumes. Cela devrait voler à St
Sulpice, mais assurons à Montvalent. Branle bas de combat téléphonique
et deux véhicules roulent à la poursuite du front qui accroche
encore le Cantal.
Nous arrivons sur le décollage, quasi désert, en même
temps que les premières bouffes thermiques. Pendant que je prépare
l'aile, Pascal balise minutieusement avec des jolis cailloux une crocrotte
fun de chien chien fun dont le propriétaire méga cool discute
avec notre presque mega cool Rémi. Les nuelles défilent Nord,
le déco commence à ressembler à un quai de métro
; il est temps de s'échapper. Pour l'instant, je yoyotte gaiement. C'est
communicatif car au bout d'1/4 d'heure, mes deux compères me rejoignent
et nous yoyotons de concert en attendant la bonne (pas celle avec le plumeau,
plutôt l'aspirateur !). Ils la trouvent bientôt et l'enroulent
avidement sans m'attendre. Mais l'ascendance semble s'étioler et leurs
spirales régulières se transforment en un mouvement brownien
(cf Tantot) plus hésitant. Je les rejoins donc dans ce marasme. Alors
que Pascal prospecte dans la zone en élargissant ses virages et en se
curant le nez, Rémi trouve que c'est pas le fun et fonce à donf
vers le décollage. Mais ça le fait, c'est pas cool. Dans ce moment
de flottement, j'attrape un bouchon étroit, en dérive, qui me
fait rejaillir un cran plus haut. Je temporise un peu pour attendre Pascal
car le départ en cross se joue maintenant. Mais les dés sont
jetés sur son extrados et il désespère déjà de
la pénétration des parapentes face au vent. La courte attente
m'a laissé un maigre zéro qui dérive vers le camp militaire.
1200m, pas de nuages, assez glandé, c'est parti vent de cul, la barre
aux genoux, coudes serrés overdrive à fond, vers le premier point
bas. Ça c'est la version delta (sniff, nostalgique...) qui n'est pas
(plus?) de mise aujourd'hui. Loin de progresser vers le but, j'ai l'impression
en parapente de m'enfoncer dans la masse d'air qui m'emporte. On s'habitue,
mais côté fun !! La suite du vol sera relativement facile dans
la mesure où les choix, à peu près logiques, marcheront
moyennant quelques adaptations de circonstances. Je ne ferais qu'une fois le
plafond à 1450, seulement faute de patience et de courage physique.
Mais il n'y a pas que l'aérologie dans le cross, il y a les empêcheurs
de tourner en rond.
Le premier, le moins grave, est la logorrhée radiophonique "est-ce
que tu me reçois", qui en vient à couvrir le son du vario
et surtout à polluer inutilement 3 fois sur 4, les instants privilégiés
et rares. On pourrait imaginer le libériste comme un contemplatif passionné goûtant
avec délices le bonheur d'un paysage éphémère et
unique. Ben non ! C'est un radio-amateur qui vole.
Le deuxième est un manque de condition physique qui transforme les courbes
harmonieuse en carrés et les taux de montée n'aiment pas.
Le troisième est une vieille connaissance physiologique, l'onglée.
Mais le summum, le top des tops, le fléau ultime, irrémédiable,
imparable, obsédant, impitoyable, incoercible, etc... : la miction impérieuse,
le pipi. Ayant déjà baptisé un harnais delta de Pascal
(merci encore), je me dis qu'au moins, en parapente, on se met debout et c'est
comme à la maison, la lunette en mains. Aussitôt dit, aussitôt
fait et, rien.... que dalle, pas une goutte. Trois tentatives en vain, même
avec une moitié d'aile fermée. Triste spectacle que ce volatile
anurique et rouge pivoine.
Bref, la fin du vol sera plus une lutte physiologique et "urologique" qu'aérologique.
Mon dernier plané se fera face au vent pour poser à coté d'un
village sur une crête perpendiculaire à ma route afin de garder
le contact avec la récup que je crois, à tort, toute proche.
J'avoue qu'un GPS que j'ai tant raillé !) m'indiquant ma position et
la proximité des cent bornes m'aurait incité à finir vent
de cul.
En tous cas, le vent de cul, je l'ai pour inonder, dans une extase primitive,
ce piquet de clôture. Après avoir joint Rémi et François
qui sont à Cahors, les yeux sur le toit ouvrant à ma recherche,
je vais boire le café au milieu de la réunion de famille voisine.
Chacun y va de son expérience, variée du vol ultra-léger.
Ainsi j'apprends, entre autre, que le fait de m'être posé plus
haut que mon décollage était pour beaucoup dans la distance parcourue.
J'acquiesce devant tant de conviction. Rassasié et réchauffé,
j'entame avec sérénité le chemin de campagne qui m'emmène
au point de rendez-vous. Ces quelques kilomètres à pied, seul
sur cette crête au point de vue circulaire sont le parfait achèvement
de cette journée de vol. A peine ai-je le temps de faire connaissance
avec tous les chiens du village que ma récup adorée arrive, fourbue
et le visage las. Une cloppe pour François, quelques "mesures of
Rap" pour Rémi, et retour sur les réalités de chez
nous.
Le cross est vraiment l'aboutissement du vol libre (j'en vois qui sursautent
!) Certes, c'est ingrat, aléatoire, étroitement lié à la
possibilité d'une récupération (facteur sûrement
le plus limitant pour nombre d'entre nous), loin du regard des autres, mais
quel pied. Le plus difficile est de couper, au bon moment, le cordon ombilical
du décollage. Ensuite c'est un autre vol et un autre monde, plus facile
d'une certaine manière, plus de liberté mais moins de certitudes.
Le parapente ajoute encore au plaisir par son insouciance de la vache et son
autonomie une fois posé. Par contre pour ce qui est de la glisse...
ne vexons personne, faut rester cool, mais... et puis, faut voir comme ils
se fringuent mais, bon faut rester cool. Bref, que l'on débute ou que
l'on tourne en rond, le cross me semble un bon tremplin pour doper son activité (surtout
avec une bière). Eu égard à ce qui se fait par ailleurs
la distance effectuée est très modeste, si si, mais le plaisir
est ailleurs ; sinon la compétition vous tend les bras et là je
passe la plume au président "Champion - de - France avec - mat
- qui - les - a - tous - mis".
Réalisé sous la menace d'un ex-président et remis en
main propre (euh, pas vraiment).
Frank Perrin
Visa de censure n 007 de la commission information et désinformation,
qui décline toute responsabilité quant aux réactions de
tout bipède suspendu à un chiffon, gonflé ou non.
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