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Sainte Germaine


C’était le jour de la Sainte Germaine, le 14 juin, et bien des années après la libération. Mais nous nous battons toujours pour la liberté et pour la France, surtout celle du sud-ouest. Ils nous ont envoyés juste au nord de la limite, juste de l’autre coté de la ligne de démarcation climatique, à St Benoit sur Loire. Priez pour nous.

« C’est Nord-est » avait dit le Prévi, « faut risquer le coup maintenant. Ce ne sera pas facile ».

Nous avons notre point de rencontre au bord de l’autoroute et du socle granitique limousin. Déjà le vent du matin agite les sommets des grands pins. Le chef a sa voiture PTT jaune pour se confondre avec les fonctionnaires, mais il a du mal, car les services l’ont fiché, sous le pseudo de Fliegende Frog ! (les commandos ont peint les initiales sur les voitures avec le point d’exclamation à l’envers pour tromper l’ennemi). Finalement, il est plus connu sous le nom de code « Pruno », l’agent d’Agen.

Le deuxième homme « Hortico » correspond plus à l’image du tueur que du Christ (contrairement à Pruno, afin que les contraires s’opposent et s’annulent : notion tactique). Imaginez Lino Ventura, Moche Dayan et John Wayne réunis. Il garde souvent les yeux fermés, c’est parce qu’il s’est couché tard, dit-il. Après ses contacts avec les réseaux du Cambodge, il a étudié la région. C‘est un peu lui le pivot. Est-il bien centré ?

Le troisième homme de cette équipe d’agents doubles, c’est celui que l’on a forcé à parler / El Narrator. C’est moi et mon double crème solaire. Blanc, bronzé, noir. La maîtrise du verbe qui vous embrouille. Le dernier mot qui tue. L’image qui vous attache sur le rail alors que le train siffle trois fois. C’était moi avant. Que feront-ils de moi maintenant, avec mes séquelles ?

C’est Hortico qui a fait le topo : les Alkaï ne peuvent plus s’entraîner en Afghanistan, ni en Irak, alors il viennent en Sologne, sous les arbres. Ça a mis l’eau à l’oreille des ordinateurs du Prévi, qui a fait des recoupements « fichier-fichier ». Finalement, il préfère envoyer des Libres que des Drones. Le Libre peut passer pour un touriste innocent avec ses ailes de papillon décoré, tandis que le Drone a du mal à échapper à la surveillance électronique.

« La tactique c’est rien, la logistique c’est tout ». Nous avons La Brune pour conduire la voiture, que nous avons prise allemande et grise pour nous confondre avec toutes les Mercedes métallisées. La Brune a de l’expérience, pas trop de fond de teint, et du pâté de poisson, qui reste léger avant le décollage, contrairement à l’andouille. Evidemment, le péquin moyen peut se demander si elle ne porte pas une perruque, s’il la reconnaîtra teinte en rousse. Ce qui compte pour nous, c’est de savoir qu’elle finira par nous trouver, plus vifs que morts si possible.

« Votre Mission : survoler la Sologne à moins de 1000 m en partant à 11 h 30 du matin pour être à l’heure au dîner beaucoup plus loin ».

Nous n’avons pas le choix. Sauf pour la couleur des armes et le degré de rigidité. Ils ont tenté de nous coincer pendant notre repérage. Alors que nous rejoignons notre position de départ, ci-après mentionnée comme. La Base, ils ont créé un embouteillage à la Motte-Beuvron. Nous les avons repérés vite car nous nous sommes arrêtés en face d’une devanture qui dit « La langue de femme », spécialité locale de pâtisserie gourmande. C’est dans la rue principale. Hortico n’a pas voulu qu’on fasse tout sauter. « On ne sait jamais, nous reviendrons peut-être », a-t-il dit. Nous avons fini par passer et par arriver sans retard et sans visiter le château de Sully, alors que je leur disais bien qu’il faut comprendre le passé pour analyser le présent. A la Base.

Nous avons franchi la Loire, sans nous baigner car il était encore trop tôt. William était prêt à nous mettre en l’air. Le Piaf Masqué, notre contact local était parti en vacance. Louche, nuelles, barbulles, cumulus, tout semblait se mettre en place comme prévu, fusible, sandwich, téléphones, rien ne clochait. Etait-ce un piège ?

Les commandos d’Alkaï nous guettaient-ils derrière la levée ? Pruno prend la pompe et gonffle, El Narrator le suit, en parlant de lui à la 3ème personne, ce qui est rare. Malheureusement, trahison de William, due à la dégueulante ? Hortico ne réussit pas à faire la jonction. Trop rigide peut-être ? Il se pose heureusement du bon côté de la Loire et la Brune lui met le grappin dessus avant que les Alkaï et les armées d’arbres lui fassent hara-kiri. Ils seront deux pour nous couvrir en radio.

La vaste étendue verte qui s’étale à mes pieds est trouée de champs comme un tapis mité. Je vois des oies (centre de formation pour espions à envoyer en Périgord assurément), des vaches blanches pas encore peintes, et d’autres choses étranges.

Souvent le chef m’envoie plus bas pour vérifier. Nous restons prudents, les Alkaï sont volatiles. Des hérons passent, bas et lourds. Des villages, et du vert, et des arbres. L’ennemi reste tapi dans les fourrés, troué, comme je l’ai dit.

Nous survolons La Motte Beuvron à 400m sol. C’est long, mais pas si mauvais. Il y a ensuite l’étang de la Malzone. Pas bon. Plus loin Pruno me dit :
- Ca y est, je vois les dolines (1).’
- Les trous d’eau ? Impossible, lui répondis-je dans le feu de l’action, Ce n’est pas un relief karstique, puisqu’il n’y pas de relief ». Je ne sais pas si je fais de l’humour pour relâcher la tension ou si je suis sérieux.
- On avance, dit Pruno, qui me rappelle que je ne dois pas oublier de m’alimenter.
- « Tu manges dans les transitions. »
- Mais je bois aussi un peu. Je ne le dis pas, mais La Brune entend les glouglous dans le poste tellement notre matériel est sophistiqué.

Pruno a mangé un peu également, car il n’est pas beaucoup mieux que moi. Et ils l’ont eu. Il se pose vers « La goinfrerie ». Un petit bois et un étang vers Romorantin, à l’orée de la ville et du bois. Je peux m’échapper de justesse en tournant dans la matrice. Je rejoins alors un Drone à grande aile, je lui fais l’intérieur et je vois quatre de ses congénères qui me foncent dessus, font un tour pour m’identifier, puis ne me trouvant pas assez gras malgré tout ce que j’ai mangé, s’en vont voir ailleurs. Les Drones habitent dans des caisses allongées le long des pistes. Le Drone se reconnaît aisément car il n’y a personne dessous. Je suis bien content qu’ils m’aient autorisé le passage sur leur territoire. Je profite du paysage. Grand bleu devant sur la plaine. Cumulus à l’est. J’ai traversé. Pruno n’est plus là. Ma mission est partiellement remplie.

« La fin est proche » me dis-je. Je vole vers Selles que j’aime. Sur Cher. Comme cela, je pourrais me baigner dans la rivière. Lieu dit « Le rivage ». Affaire de camouflage. Les médias ne sauront rien. Les agents locaux ont fait fermer tous les bars, pour éviter que la nouvelle ne se répande. « Ils sont surffolé la Solofgne ». (2)

Debreifing un peu plus loin à Valencay, pour rester discret. « Chez Zezette ». On fait le point. Bonne logistique. On peut survivre à la traversée. Il y a des séquelles, on perd des hommes en route. Il faut accepter les dommages collatéraux, les cœurs brisés des populations civiles, les grands couteaux du réseau Alkaï.

Nous n’avons pas rencontré Dieu car il était un peu trop tôt. Mais l’exploration forme la jeunesse, ce qui permet aux vieux d’avoir des souvenirs de blés en rosace, de plateaux de derviches tourneurs de sorcières. Souvenirs précieux, mais c’est une autre histoire. Sans petit prince. Que voulez-vous, dans notre univers, l’ailleurs est quotidiennement remis à demain, avec la paperasserie et les rapports. Et il y a les séquelles. Il faut se soigner. Manger équilibré. Nous avons des périodes de récupération entre les missions. C’est le Prévi qui décide, il faut en profiter pour faire de la mécanique pour rester prêt à bondir.

Je vais d’abord prendre mes cachets pour dormir un peu. Je ne sais pas si c’est que j’ai trop mangé, ou si c’était une mission vraiment spéciale. Avec tous ces étrangers qui débarquent ; on devient vite paranoïaque, avec tout ce qu’ils vous montrent à la TV.
Vive la France des nuages !